Eve Gramatzki

« L’oeuvre intimiste d’Ѐve Gramatzki requiert de la part du spectateur une disponibilité, un abandon des repères traditionnels pour se perdre dans un espace qui n’est ni physique ni atmosphérique. Il s’agit plutôt d’un espace mental pour lequel l’imaginaire ne sera guère utile, parce que la vision intérieure est d’un autre ordre. L’artiste recourt aux mines de graphite, aux pigments sur papier pour son approche pudique de la lumière. La ténuité des moyens s’accorde au non-dit, à ce qui ne peut s’écrire, ni s’énoncer. L’impalpabilité de l’air rejoint celle des poussières de lumière, dont la présence imperceptible passe par un trait, par quelques hachures ordonnées dans un champ délimité mais dont on perçoit l’immensité. Peu de couleurs, pour une quasi-monochromie toute en vibration. Gramatzki balaie d’un souffle coloré le silence qui précède le premier son. Son geste est celui qui émerge d’un corps dépositaire de la mémoire originelle. Alors il énonce, lentement, apprivoisant chaque ligne, chaque maille qui tisse la
grille de lumière. Cette partition incarnée, parcourue de cadences régulières, à la façon du battement du pouls, réveille nos émois oubliés. Cette économie et cette simplicité sont celles que requiert la méditation. Pour cette artiste qui affirmait qu’« on ne travaille pas avec le coeur, mais avec la tête », chaque trace était présence. S’approcher du visible, sans le secours de l’image, en percevoir le passage, la trace et l’effacement, jamais les mêmes, toujours recommencées, était une tentative de réponse au mystère de la vie. Ѐve Gramatzki a été jusqu’à ce point de non-retour, laissant à son oeuvre la mission de nous initier à ces espaces de lumière. »
Lydia Harambourg Gazette Drouot n°7 du 22 février 2008 (page 157).

biographie