Pascal Ravel
Pascal Ravel / Audrey Martin

18 mars 2016 au 23 avril 2016

Pascal Ravel : > 5,5 cm <

Cette quatrième exposition de Pascal Ravel à la galerie AL/MA rassemblera plusieurs ensembles, diptyques et triptyques séparés par une distance constante de 5,5 cm. L’artiste travaille sur différents formats : des rectangles verticaux de 130 cm de haut et de 40 ou 80 cm de large. Mais aussi de plus petits diptyques constitués de carrés de 25 ou 30 cm de côté. Ces œuvres ont pour point commun leur forte présence, elles habitent l’espace et rythment celui-ci par le jeu de l’espacement entre les toiles. Le support devient alors une entité dominante où la couleur prend corps. « Il y a dans cette peinture une dimension de fixité et de solidité monumentales que renforce l’alternance entre les formes en saillies des tableaux et les vides - blanc des murs - qui rythme l’espace. Peintures comme des parois plutôt que des miroirs. On peut penser aussi à des pierres dressées, affirmant une présence silencieuse et obstinée qui fait face plutôt qu’elle ne provoque un flot d’images intérieures. Cette peinture n’est pleinement et uniquement que là où elle se tient et nous ne pouvons la déplacer à volonté dans nos mondes intérieurs.»[1]

Pascal Ravel pense ses toiles par la couleur, pleines de force et de profondeur, elles sont le résultat d’une multitude de couches de couleur qui par superposition créent une teinte unique qui ne peut être définie par le terme de « monochrome ». Les tranches de la toile, où les couches de peinture déposées ont laissé une trace, révèlent les nuances colorées qui composent cette unité chromatique. Rien d’illusoire ici pourtant, juste de la matière qui par sa forte présence nous absorbe. Il y a là « une qualité des surfaces colorées si on les aborde de près. Ce n’est plus alors leur qualité d’objet - unité close sur elle-même - qui prévaut, mais une densité mouvante, presque incertaine. Le tableau semble ne plus se déployer que sur ces surfaces et sur leur indétermination : à la permanence de la surface colorée se substituent de fortes variations en fonction de la luminosité, parfois jusqu’à sa disparition ; à son unité, la superposition de couches de couleurs très différentes - jusqu’à 15 pour certains tableaux - et son identité singulière est troublée par la mise en relation des différentes surfaces et donc des couleurs entre elles et avec les espaces blancs des murs. Comme si cette fois, il ne s’agissait plus de donner au tableau une pleine et entière réalité mais une “ profondeur ”. »[2]

Ces toiles à la limite du monochrome interrogent le spectateur sur son rapport à la couleur et à l’espace qui l’entoure. Elles ont un effet hypnotique, à chaque nouveau regard l’expérience se modifie grâce à la lumière qui révèle les subtiles variations chromatiques. L’artiste parle ainsi du doute qui s’opère dans l’esprit du regardeur : « Mes notes d’atelier sont au plus près de l’expérience de mon travail : comme si je voyais le doute travailler à même la couleur. Ce n’est pas un doute suspensif mais actif. Il donne le sentiment que ce que je crois connaître s’ouvre à autre chose, à une autre dimension. Au départ, on peut croire qu’il y a là une surface noire ; mais très vite l’œil va commencer à percevoir d’autres choses – qu’il n’y a pas de noir dans ce noir – et le doute va s’insinuer et amener à un autre regard. Le doute est comme un interstice dans l’épaisseur des certitudes, une manière d’introduire du mouvement dans la perception. La couleur doute d’elle, comme le regardeur apprend à douter de son regard… Sans regard, il n’y a pas d’œuvre, pas de tableau. Celui-ci n’a d’existence que s’il est vu. Il y a beaucoup de tableaux qui laissent d’eux une image, quelque chose que l’on peut se remémorer ou se représenter. Ma peinture, elle ne laisse pas d’image. Je peux avoir la mémoire d’une certaine qualité de présence dans l’espace, d’une certaine qualité presque physique du tableau… »[3]

[1] Pierre Manuel, Le Temps de voir, 2016
[2] Pierre Manuel, Le Temps de voir, 2016
[3] Pascal Ravel, « Le phénomène de la couleur », extraits d’entretien avec Pierre Manuel, Les Entretiens d’AL/MA, Editions Méridianes, 2007


Audrey Martin : SKY NEWS

Artiste diplômée de l’Ecole Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg, Audrey Martin a déjà fait plusieurs expositions dans la région – au FRAC Languedoc-Roussillon en 2010, à la Panacée en 2014 et au CRAC Languedoc-Roussillon en 2015 – ainsi que sur Paris avec Jeune Création en 2012, Parcours Saint Germain et la YIA en 2013. En 2015, elle réalise des projets Européens notamment une Résidence au Café Europa, Mons (Belgique).

Pour l’exposition à la galerie AL/MA, l’artiste présente une sculpture en béton nommée ALL RIGHT GOOD NIGHT, qui fait 5,30 m de long. Une œuvre où la mémoire et sa longévité sont au cœur de la réflexion de l’artiste. « La phrase « ALL RIGHT GOOD NIGHT » est sculptée en lettres majuscules posées à même le sol à la suite les unes des autres (dans le sens de lecture). L’œuvre se détache très distinctement et explicitement dans un environnement dégagé ; elle évoque immédiatement la dernière phrase prononcée par le pilote du vol MH370 de Malaysia Airlines, disparu le 8 mars 2014 au-dessus du golfe de Thaïlande (et jamais retrouvé). La célèbre phrase, fétichisée par les médias en manque d’images plus parlantes, est « gravée » dans le béton, créant un décalage perceptif multiple. La banalité de la phrase est ici interrogée : l’attention vacillante des médias, leur capacité d’oubli élastique – et la nôtre avec eux – rendra son contexte de lecture de plus en plus lointain et hypothétique, exposant la vanité des différentes couches de sens que nous superposons en nous éloignant de plus en plus du réel. Qu’en restera-t-il alors ? Restera la marque d’une disparition ; la phrase en béton devient alors une pierre tombale et souligne notre absence de rapport à la mort en dehors de son caractère immédiatement spectaculaire. Restera également comme une évidence – une preuve rétroactive – la transformation de notre utilisation du langage, de moins en moins rationnelle, logique, précise, de plus en plus émotionnelle, symbolique et imagée (voire fétichiste). En coulant cette marque de disparition dans le béton, en plongeant dans les strates de sens que cette phrase produit, Audrey Martin pose question à notre monde lui-même, elle crée un objet inamovible pour témoigner de la vitesse à laquelle il se transforme. Ce point d’extériorité peut être vu comme une tentative de contourner la zone aveugle qui est la nôtre au regard de notre propre évolution. »[1]

« Il y a dans l’œuvre d’Audrey Martin une constante affirmée dans une poétique des ruines s’intéressant aux phénomènes cosmiques, ainsi qu’à leurs outils d’observation, qui confine à la science-fiction. MK2 # 1 (2012) propose ainsi un ballon-sonde recouvert de feuilles d’or et arrimé au sol, dont elle expose ensuite l’effondrement dans MK2 #2 (2013), comme une irrémédiable perte de repères. Global damages (2013) expose une série de cartes postales retranscrivant des simulations de catastrophes naturelles dues à l’impact d’un météorite sur la terre, comme une Odyssée en prévisions météorologiques. »[2]

[1] Texte de Michael Verger-Laurent
[2] Lise Ott, Dé-paysages, une machine philosophique, (septembre 2015)

Site web d'Audrey Martin

communiqué de presse