Georges Autard
La forme informe

06 mars 2020 au 06 juin 2020

Georges Autard a exposé à plusieurs reprises à la galerie AL/MA : en 2005, 2010 et 2013. En 2018, son travail est exposé au CAIRN centre d’art de Digne-les-Bains, lors de l'exposition Mystik Esthetik Kommando, afin de célébrer les 150 ans de la naissance d'Alexandra David-Neel, écrivaine orientaliste ayant vécu dans la cité interdite de Lhassa, au Tibet. En effet, le travail de Georges Autard tire entre autres sujets, son inspiration de ses nombreux voyages au Ladakh et au Zanskar de son intérêt pour l'univers spirituel du bouddhisme - en tentant de faire le lien entre Orient et Occident.
Cependant il n'est jamais question de sublimation du médium peinture dans son travail, aucun désir de lui rendre ses lettres de noblesse. Au contraire, il la violente, la bouscule et comme le dit Frédérique Valabrègue à propos du travail de Georges Autard : « ça n'est que par l'insolence qu'on redonnera de la couleur à une vieille chose heureusement ringardisé. » Insolence en effet, est le terme le mieux adapté pour qualifier son approche de la peinture – en témoigne sa série intitulée Fuckin' Paintings, datant de la fin des années quatre-vingt dix. Il y fait référence, entre autres, à Malevitch, Rothko, Cézanne ou encore Beuys. Outre l'influence du bouddhisme dans son travail, on retrouve par l'usage des couleurs ou dans ses statements l'empreinte de la culture punk. « Ce qui frappe immédiatement, face aux peintures et aux inscriptions quasiment litaniques, c'est la puissance rythmique, sourde, tourbillonnante, austère, vivace, directe, immédiate : des gestes picturaux, rapides ou lents, en rafale, des nappes de sonorités picturales (cymbales, cornes, gongs), une polyphonie obscure où les Throbbing Gristle rejoignent les mantras. Des effacements qui évoquent les 'effaçages' de Wolf Vostell et les recouvrements de Beuys. Il a d'ailleurs entièrement effacé l'ouvrage de Beuys consacré à son expérience-action avec un coyote, en 1974, à New-York. »
La forme informe, titre donné par l'artiste à l'exposition de 2020 à la galerie AL/MA, joue sur un double sens. La forme qui informe et à la fois la forme sans formes. À travers sa réinterprétation des photographies du travail de Beuys, par le biais de découpages, d'agrafes et d'aplats de couleur jaune fluo, Georges Autard renforce cette impression de forme dépourvue de forme, la forme devenant innommable, échappant ainsi à notre compréhension. Le sens de la photo est irrémédiablement transformé, le sujet supprimé. Il apporte ainsi une information nouvelle qui ouvre à la réflexion tout en rendant hommage à un artiste qu'il admire et qu'il a découvert auprès de Bernard Lamarche-Vadel.
De ses statements émane une certaine violence. Les messages viennent frapper le spectateur par leur efficacité et leur sonorité. Les œuvres de Georges Autard sont ainsi imprégnées d'un rythme qui accompagne leur puissance sonore. Les écrits qui font référence à des chansons – « Time is on my side » des Rolling Stones, « A hard rain's gonna fall » de Bob Dylan, etc. – en naissent spontanément.
Pendant toute la durée de l'exposition un tableau noir servira de support à différentes déclarations régulièrement effacées et renouvelées. À l'image de Beuys et de son œuvre Richtkräfte (einer neuen Gesellschaft) [Forces directrices (d'une nouvelle société)] en 1974-77, qui consistait en plusieurs tableaux noirs avec des inscriptions à la craie et où les tableaux étaient au fur et à mesure remplacés (et laissés au sol) par de nouveaux supports avec de nouvelles inscriptions. Ces inscriptions avaient valeurs de concepts qui s'effaçaient, comme la craie, laissant place à de nouveaux concepts. À travers ces déclarations éphémères, Georges Autard questionne la valeur et l'impact que les mots, en perpétuel renouvellement, comme les idées et les concepts, peuvent avoir sur ceux qui les lisent.
Dans un entretien accordé à Philippe Piguet en 1988, Georges Autard parle de la peinture en ces termes : « La peinture est un matériau qui pense, comme les mots. Elle est une matière à réflexion, au sens concret comme au sens mental. […] Au cours de mes lectures, je fais très souvent des petits dessins pour illustrer la pensée de l'auteur, un peu comme si j'essayais d'expliquer à quelqu'un comment j'appréhende ce que je suis en train de lire. Je me constitue une espèce de réservoir de signes que j'investis ensuite dans la peinture. » C'est peut-être ainsi qu'il convient le mieux d'appréhender la peinture de Georges Autard, comme une peinture qui pense, qui frappe la tête plutôt que de flatter le cœur.
Né le 17 avril 1951, à Cannes, Georges Autard vit et travaille à Marseille.

communiqué de presse